vendredi 31 décembre 2010

Fonctionnement 2011 de ce blog

Ce blog a servi jusqu'ici essentiellement à mettre sous une forme largement accessible les chroniques écrites pour La Tribune, généralement moins d'une fois par mois. J'ai dû interrompre l'écriture de ces chroniques par manque de temps. A compter d'aujourd'hui, j'essaierai d'alimenter ce blog plus fréquemment -- si possible une fois par semaine -- avec des billets plus courts, ou au moins la mise en ligne d'un article écrit plus tôt mais qui reste d'actualité.

Les commentaires des lecteurs seront particulièrement les bienvenus ; l'idéal serait d'arriver à avoir ici un véritable lieu d'échange, de dialogue et de réflexion sur les questions d'enseignement supérieur et de recherche.

lundi 27 décembre 2010

Fantasmes et réalités de la fuite des cerveaux

Le texte suivant a été publié dans La Tribune le 27/12/2010.
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Les postes offerts en France aux chercheurs véritablement actifs ont vu leur attractivité baisser considérablement au cours des dernières décennies, et les progrès récents restent modestes. La fuite des cerveaux est une inquiétude récurrente pour qui s'intéresse à la recherche et à l'enseignement supérieur. Les conditions matérielles médiocres offertes aux chercheurs actifs en France justifient la crainte de départs massifs, mais une observation attentive conduit à nuancer le diagnostic.

dimanche 10 octobre 2010

Formation contre sélection des élites

Le texte suivant a été publié dans La Tribune le 15/2/2010.
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L'enseignement supérieur a de tout temps eu un double rôle : formation d'une part, sélection des futurs cadres d'autre part. L'une des caractéristiques du système français actuel est l'hypertrophie de la sélection au dépens de la formation. L'étiquette que constitue le diplôme joue un rôle tout au long de la carrière, jusqu'à la notice nécrologique. Elle prime souvent sur les qualités professionnelles pour le choix des postes importants, si bien que les grandes entreprises françaises sont généralement dirigées par des anciens élèves d'une poignée de grandes écoles. Leurs homologues en Allemagne, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne ont des formations supérieures beaucoup plus diversifiées, et des formations initiales dans des universités de niveau variable (complétées plus tard par un MBA). La situation est particulièrement caricaturale dans la fonction publique française, où les postes à fort potentiel sont partagés entre les grands corps.

vendredi 17 septembre 2010

Pourquoi tant de médaillés Fields sont français

Article paru dans La Tribune, 16/9/2010.
Version pdf. Version publiée.
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Le 19 août dernier, deux mathématiciens français, Ngô Báo Châu et Cédric Villani, ont reçu la médaille Fields, analogue du prix Nobel pour les mathématiciens de moins de 40 ans. Un autre, Yves Meyer, recevait le prix Gauss, réputé le prix le plus prestigieux pour les mathématiques appliquées. Ces attributions complètent une série impressionnante : depuis vingt ans, 18 médailles Fields ont été attribuées, dont 7 à des mathématiciens travaillant en France. Si la France avait reçu depuis vingt ans la même proportion de prix Nobel scientifiques, elle en aurait obtenu 69 sur 178 distribués (au lieu de 7). Si le même succès était obtenu dans les technologies innovantes, une entreprise au moins parmi Apple, Google et Microsoft serait française.

mercredi 30 juin 2010

Les richesses mal exploitées du doctorat

Article publié dans La Tribune, le 28/6/2010.
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Dans la plupart des grands pays développés, le doctorat est le diplôme de référence. Il est utile pour faire carrière à haut niveau, en particulier dans les fonctions techniques et surtout de recherche et développement. C'est encore loin d'être le cas en France, et cette spécificité est intimement liée aux difficultés françaises dans certains secteurs innovants.

mardi 18 mai 2010

Internet et la révolution du savoir

Article publié le 18/5/2010 dans La Tribune
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Internet crée une révolution profonde et encore mal comprise dans notre relation à la connaissance. Il rend nécessaire une refonte tout aussi profonde de l'enseignement, dont les prémices apparaissent seulement. La nouveauté la plus évidente est l'accès immédiat offert par Google à une quantité presque infinie d'informations ? l'essentiel des connaissances humaines est à quelques clics de souris de n'importe quel curieux. La capacité de mémorisation en est dévalorisée. Il devient par contre crucial de savoir s'orienter face à une cascade illimitée de données et d'opinions qui peut nous submerger. La difficulté est alors de hiérarchiser les sources et d'évaluer la fiabilité des informations, de savoir où s'informer et à qui se fier. Pas facile.

Mais on peut observer un phénomène plus profond. Et plus pernicieux. Il a été bien mis en évidence par Nicholas Carr dans un article qui a reçu un écho considérable outre-Atlantique en 2008 et intitulé "Is Google Making Us Stupid ?". Il remarque qu'Internet crée une culture du "butinage" intellectuel, mais que la lecture de livres ou de longs articles nous devient pénible. Quelques secondes nous suffisent pour glaner avec agilité des informations sur une page Web, mais une réflexion de fond nous devient difficile. L'aboutissement de cette nouvelle culture est Twitter et son flot infiniment distrayant de messages de moins de 140 caractères. Or la maîtrise d'Internet est utile, mais la capacité à se plonger dans un problème ou dans la lecture d'un texte difficile n'est pas moins nécessaire. Il revient plus que jamais à l'enseignement de la développer.

Une autre révolution liée à Internet est la quantité fantastique d'informations qui sont accessibles et jouent un rôle central dans une gamme chaque jour plus vaste d'activités, de la finance à la médecine en passant par le marketing ou la politique. Dans ces domaines, des programmes analysant de gigantesques bases de données d'expériences antérieures dépassent les meilleurs experts humains. Le monde appartiendra demain à ceux qui comprennent les traitements de ces téraoctets ou pétaoctets d'informations, qui savent les utiliser, les critiquer et les améliorer. Or ces compétences ne vont pas de soi : elles exigent non seulement la maîtrise d'outils quantitatifs, mais surtout une formation de base solide, en particulier en mathématiques.
Internet change ainsi profondément les compétences que l'enseignement doit développer chez les élèves et les étudiants. Mais l'informatique va aussi apporter des évolutions profondes sur les modalités mêmes de l'enseignement. Dans les pays en développement, les possibilités nouvelles sont énormes puisque des étudiants isolés et défavorisés peuvent accéder aux cours en ligne des plus prestigieuses universités ? mais pas encore aux diplômes correspondants.

Dans nos pays développés, par contre, l'informatique ne supprimera certainement pas le rôle des enseignants. Mais, en prenant en charge la partie la plus répétitive et la plus automatique de l'enseignement et de la vérification des acquis, elle leur permettra de se consacrer à l'essentiel : le raisonnement logique, la clarté dans la réflexion et dans l'écriture, la subtilité dans l'analyse des textes, l'esprit critique. Ce n'est pourtant pas toujours la voie qui est prise : beaucoup trop d'élèves et d'étudiants apprennent surtout aujourd'hui à créer leurs "travaux personnels" en copiant-collant des morceaux de pages Web, en général sans même qu'on leur explique qu'ils se livrent ainsi à une médiocre forme de plagiat.

Beaucoup d'observateurs ont comparé l'ampleur de la révolution d'Internet à l'arrivée de l'imprimerie. Notre rapport à la connaissance et la hiérarchie des compétences utiles en sera profondément modifié. Une réflexion aboutie sur le nécessaire renouvellement de l'enseignement, dans ses objectifs et dans ses modalités, sera nécessaire pour armer les élèves et les étudiants pour le monde dans lequel ils vivront demain.

mardi 20 avril 2010

Le grand emprunt peut être une chance pour la recherche

Texte paru le 20/4/2012 dans La Tribune.
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Le grand emprunt va apporter un capital d'au moins 18 milliards d'euros au monde académique. Ce montant est d'autant plus important que les difficultés budgétaires actuelles n'augurent guère d'augmentation future des dépenses de l'État. Bien utilisés, ces crédits pourraient améliorer l'efficacité de l'ensemble de la recherche et de l'enseignement supérieur en France. Une partie importante de ce budget - plus de 10 milliards d'euros - sera attribuée à des "campus" et "laboratoires d'excellence". Ceci s'inspire de "l'endowment" des universités nord-américaines : des capitaux accumulés grâce aux dons, surtout des anciens élèves. Ils sont considérables pour quelques universités - jusqu'à 2 millions de dollars par étudiant à Princeton - mais sont en général faibles pour les autres "colleges". Ce système n'est pas l'élément le plus intéressant du système américain. Il est créateur d'inégalités, voire de distorsions de la compétition entre établissements. Les universités les plus riches paraissent massivement surdotées, sans que leur enseignement ou leur recherche soient obligatoirement meilleurs que ceux des grandes universités d'État aux moyens beaucoup plus limités. Le dynamisme de la recherche aux États-Unis doit probablement beaucoup plus au système national de financement des projets.

Pour éviter ces défauts, le mécanisme de sélection des "laboratoires" et des "campus d'excellence" devra éviter de sembler décréter l'excellence, avec le risque de favoriser non pas les meilleurs chercheurs mais les plus proches du pouvoir. Il faudrait pour cela des règles d'attribution claires, basées sur des évaluations scientifiques indiscutables, et qui autorisent la reconnaissance d'équipes d'excellence y compris dans de petites universités. Pour garder un caractère incitatif, les moyens attribués devraient l'être pour une période limitée, suivie d'une redistribution des cartes.


Les "campus d'excellence" présentent des difficultés spécifiques. Il sera difficile de s'assurer dans ces grands ensembles d'une bonne utilisation des fonds, incitative et concentrée sur les équipes véritablement dynamiques. La question de leur gouvernance prend donc une importance centrale. Deux dangers guettent : un partage "démocratique" des ressources suivant les rapports de force locaux, sans effet incitatif, attribuant beaucoup à des équipes sans réelle visibilité internationale. Et, à l'opposé, l'apparition de potentats locaux tirant leur pouvoir du contrôle de budgets importants, ce qui ouvrirait la porte aux pires dérives mandarinales.


L'observation d'exemples étrangers suggère bien sûr des pistes pour créer les outils de gouvernance nécessaires. Mais les milieux académiques français manquent de maturité dans ce domaine ; même les règles de déontologie élémentaires n'y sont pas encore toujours appliquées. Attribuer des financements considérables en fonction du respect de règles de gouvernance qui n'ont été ni clairement énoncées ni comprises et intégrées serait problématique. D'autres règles pourraient être recommandées aux futurs "campus d'excellence".

Le respect d'un niveau élevé de mobilité au moment des recrutements, par exemple, est nécessaire pour assurer la circulation et le renouvellement des idées. Elle assurerait aussi que les campus d'excellence profitent à l'ensemble du système académique français, les autres centres pouvant recruter les jeunes chercheurs qui y sont formés. On peut regretter aussi le choix exclusif de financements attribués sur des bases géographiques. Dans certaines disciplines bien structurées, des réseaux nationaux, qui sélectionnent les initiatives d'excellence où qu'elles se trouvent, mèneraient certainement à une utilisation plus efficace des moyens.

dimanche 4 avril 2010

Pour les universités, ce n'est pas la taille qui compte

Le texte suivant est paru dans le quotidien La Tribune le 17/3/2010, voir ici.
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L'écho considérable du classement de Shanghai en France a eu pour effet bénéfique d'attirer l'attention sur le retard pris par l'enseignement supérieur de qualité et par la recherche dans notre pays, et sur l'urgence qu'il y a à investir dans ce domaine crucial pour l'avenir. Mais les médiocres performances françaises dans ce classement constituent un symptôme, et non un mal.

Il est tentant de se fixer comme but de gagner des places, comme on veut gagner plus de médailles aux Jeux olympiques ; mais l'enjeu central est la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche, et non le nombre d'universités bien classées.
 

La manière la plus simple de "monter" dans le classement de Shanghai est de regrouper des établissements pour additionner leurs scores. Cette mesure superficielle flatte l'ego des décideurs, qui croient créer des institutions importantes alors qu'ils ne font que réarranger l'existant sans rien changer au fond. Elle peut être très coûteuse en infrastructures, comme dans le projet du plateau de Saclay, et risque de créer des organisations trop énormes pour être dirigées efficacement - les problèmes de gouvernance des universités sont loin d'être complètement résolus.
 

La taille des ensembles en voie de constitution tranche avec celle, beaucoup plus réduite, des premières universités du classement de Shanghai. Celles-ci ont de l'ordre de 1.000 ou 2.000 "faculty members" (enseignants-chercheurs ayant des postes permanents ou ayant vocation à le devenir) et quelques milliers d'étudiants. Caltech (au 6ème rang) compte environ 400 "faculty". Par comparaison, la seule université Paris VI rassemble 5.600 chercheurs et enseignants-chercheurs permanents et 30.000 étudiants, et ne sera qu'une partie d'un ensemble beaucoup plus vaste ; le projet du campus de Saclay vise à regrouper près de 30.000 chercheurs et enseignants-chercheurs permanents et autant d'étudiants.
 

L'importance attribuée aux classements se justifie par le souci de l'attractivité : avoir un bon rang permettrait d'attirer les meilleurs étudiants de Chine, d'Inde ou d'ailleurs. La réalité est plus complexe. Les étudiants avancés, qui viennent préparer un master ou un doctorat, ont une idée précise de leur discipline et des équipes dans lesquelles ils voudraient travailler. Ceux qui débutent fondent en partie leur choix sur l'image des universités, mais cette image dépend de bien plus que de classements : avis des condisciples qui y étudient, qualité des bâtiments, de l'encadrement, de l'environnement, visibilité des résultats de la recherche.
 

Les regroupements prévus en France pourraient bien se révéler contre-productifs. Le classement de Shanghai était au départ l'initiative individuelle d'un professeur assisté de deux étudiants, construit à partir de données faciles à compiler. Les prochaines éditions utiliseront probablement des données plus sophistiquées, il est possible qu'elles se basent sur la production moyenne par enseignant-chercheur, plus difficile à mesurer mais plus significative que la production totale. Dans ce cas, les futures méga-universités françaises perdraient toute chance de briller, les équipes d'excellence étant noyées dans d'immenses ensembles plus moyens. Les regroupements actuels paraîtraient alors non seulement contre-productifs mais même ridicules.
 

Le vrai bénéfice potentiel des regroupements est ailleurs : dans la possibilité de véritables formations pluridisciplinaires, sortant des frontières des actuelles universités spécialisées en sciences, en sciences sociales ou en lettres. De futurs ingénieurs ou avocats pourraient profiter des enseignements d'excellents philosophes, de futurs philosophes suivre les cours d'excellents biologistes. Mais cette possibilité n'est encore que bien peu utilisée dans la pratique.

Les regroupements d'universités relèvent d'une vision bureaucratique de la recherche. Le véritable enjeu est de dynamiser la recherche et d'améliorer l'enseignement, dans les laboratoires et dans les salles de cours.

Bienvenue sur ce blog !

Je pense y poster régulièrement des billets sur la recherche et sur l'enseignement supérieur en France. Mais avec une fréquence assez faible -- une fois par mois, parfois deux. Les remarques et commentaires seront les bienvenus !